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Interview Jean Marc Offner – Quand l’urbanisme s’invite au menu des mobilités

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Interview Jean Marc Offner – Quand l’urbanisme s’invite au menu des mobilités

https://www.urbanisme.fr/invite/jean-marc-offner/

Au cours de cette interview vous découvrirez la vision singulière de Monsieur Jean-Marc Offner sur les thèmes de la mobilité et de l’urbanisme.

Jean Marc Offner nous rappelle également l’importance de s’engager ensemble pour une mobilité plus respectueuse de l’environnement et des hommes.

Bonjour, est-ce que vous pourriez vous présenter rapidement ?

Je m’appelle Jean Marc Offner et je dirige depuis une douzaine d’années, l’agence d’urbanisme Bordeaux Aquitaine : A’Urba.  Je préside aujourd’hui l’école Urbaine Science Po, après une longue carrière dans l’enseignement et la recherche au CNRS et à l’École des ponts. Au cours de ma vie, j’ai beaucoup travaillé sur les questions de gouvernances métropolitaines, de mobilité et de planification spatiale.  

 

Comment est-ce qu’on sort de ce système tout voiture pour le périurbain ? Et comment inventer un autre modèle ? 

Nous avons fait des enquêtes intéressantes sur les modes de vie et la mobilité dans les espaces périurbains girondins qui confirment cette dépendance à la voiture particulière qui est un problème pour les individus et pour la collectivité. Lorsqu’il s’agit d’améliorer la vie quotidienne des habitants ou de réduire les émissions de gaz à effet de serre, ce n’est pas dans les centres villes que ça se passe. Au contraire, c’est dans le périurbain qu’il est le plus stratégique d’agir. Ensuite on peut couper le problème en 2, en considérant les petits trajets et les grands. 

Sur les déplacements courts, on est souvent sur des tissus urbains et des organisations de vie quotidienne qui incitent à prendre la voiture pour aller chercher du pain, pour accompagner les enfants à l’école, ect. Pour résoudre cela, il existe un levier qui vise à organiser ces espaces périurbains de manière moins émiettés, avec des polarités plus fortes. Densifier le périurbain est évidemment une manière d’avoir plus de facilités pour promouvoir les petits déplacements à pied ou en vélo. Je fais partie des gens qui pensent que le vélo électrique pourrait être le futur du périurbain. Mais cela implique d’avoir un agencement du périurbain plus resserré et des infrastructures qui permettent aux cyclistes de se déplacer sur les routes départementales. Pour cela, il n’y a pas de modèle spécifique mais il  faut favoriser des territoires moins discontinus, plus resserrés, et qui donnent plus de potentiel au mode de déplacement de proximité.  

Et puis, il y a les déplacements de plus grandes distances qui sont souvent majoritairement les déplacements domicile-travail et dans ce cas-là, c’est la massification des flux qu’il faut privilégier. Mais massifier dans le périurbain, ce n’est ni du TGV, ni du RER, ça va de la voiture partagée à la piste cyclable. Et la massification des flux par la voiture qui n’est plus une voiture solitaire, c’est ce que j’appelle « la voiture autrement ». Or on commence à le comprendre, l’avenir de la mobilité c’est de passer à un système automobile dominant, mais un système automobile qui organise la voiture comme un transport public collectif.  

Il y a plein de raisons pour que ça puisse marcher, mais il faut pour cela que les départements, les Agglomérations et la Région se sentent responsables de cette question de l’évolution du système automobile. Une grosse partie du boulot a déjà été fait grâce à la loi d’orientation des mobilités sur le covoiturage, mais maintenant c’est aux collectivités de s’en saisir.  

 

Est ce qu’on peut concilier une mobilité durable et une augmentation continue du nombre de  déplacements ou ce qu’on va devoir passer par de la démobilité ? 

Je dirais qu’il faut faire en sorte que ça soit conciliable. Je considère que la mobilité, c’est un droit et un devoir qui participe à la réduction des inégalités socio-spatiales. La mobilité devrait être là pour compenser ces disparités de ressources entre les territoires

Je ne crois pas que l’avenir de nos sociétés soit d’avoir partout tout en bas de chez soi parce que ça mène souvent à un entre-soi un peu délétère. Il faut arriver à trouver les modèles de mobilité qui permettent une réduction des émissions de gaz à effet de serre  tout en préservant le droit à l’accès. On se rend bien compte que le toujours plus vite n’est pas forcément intéressant contrairement à l’importance d’avoir une fiabilité du temps de déplacement. D’où l’intérêt de mettre en place des priorités sur la voirie ou des places de stationnement réservées, pour fabriquer et assurer de la stabilité. 

 

Quel est votre regard sur le mode de déplacement qu’est la marche et qu’elle place doit-on lui faire dans les territoires ?  

C’est une de mes obsessions et je désespère chaque fois quand il y a un petit souffle et ça retombe. Le problème c’est qu’il n’y a pas de conscience de classe. Ce piéton représente tout le monde puisqu’on est tous piétons, donc personne ne se sent vraiment concerné à défendre sa cause. En plus, on a souvent tendance à synthétiser le vélo et la marche en disant que ce sont des modes de déplacement doux. Or trop souvent on oublie le piéton et on ne parle plus que du vélo. Selon moi, la marche n’a rien à voir avec le vélo. Le vélo, c’est un mode de transport comme un bus, comme une voiture. Le piéton, pour être un peu pompeux, c’est la manière d’habiter le monde, c’est-à-dire d’être en relation avec l’environnement.  

 Et puis comme pour le reste du système de déplacements, on s’occupe souvent de la marche en centre-ville alors que ce n’est pas vraiment dans ces espaces qu’il y a des problèmes. De plus, on a souvent tendance à l’oublier mais lorsque l’on s’occupe de piétons dans les centres ville, ce n’est souvent pas le piéton qui se déplace, mais plutôt le piéton qui déambule dans la rue piétonne ou qui se promène sur les quais. Dans le périurbain on a souvent tendance à vouloir refaire une belle petite place de village ou revitaliser un centre bourg, mais ça revient à ne s’occuper une fois de plus du promeneur ou d’automobilistes qui prennent leur voiture pour aller au centre-ville. 

L’exemple des limites est très instructif. Souvent en France quand on parle de périurbain, on a l’image de Télérama avec un paysage souvent moche. Par contre si vous prenez quelques films américains, il y en a ou le périurbain est très moche certes, mais il y en a également où il est sublime parce qu’il y a des arbres et des paysages à perte de vue, sans coupure entre les jardins des particuliers. Et pourtant, l’aspiration périurbaine, c’est bien quand même une vie plus apaisée avec un rapport direct à la nature. Lorsque l’on considère le cas des écoles, on le voit bien il y a des tissus périurbains suffisamment denses pour que ça ne soit pas absurde de faire faire 1/4 d’heure à pied de marche aux enfants. Surtout quand on sait qu’il y a des problèmes de sédentarité, qui sont en train de devenir un enjeu de santé publique majeur. 

Et puis, comme je l’ai brièvement évoqué, il y a aussi l’idée que dans les espaces périurbains, il y a des gens qui marchent et font du vélo le week-end pour faire du sport où se où se promener. Et peut-être que cette appétence à la marche, on pourrait la transformer pour que ces gens se mettent aussi dans la tête qu’ils peuvent faire 20 min de marche plutôt que 5 Min de voiture, dès lors que on leur propose un chemin sympathique. En somme, ça ne sera pas l’animation des boutiques de de la ville centre, mais ce sera le paysage, l’environnement. 

 

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