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Interview Philippe Pradal – Nice métropole vous dévoile son ambitieuse politique de mobilité

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Interview Philippe Pradal – Nice métropole vous dévoile son ambitieuse politique de mobilité

Philippe Pradal, président délégué de la métropole de Nice-Côte-d’Azur, nous a fait le plaisir de discuter de sa vision de la mobilité durable et des actions à mettre en place pour l’atteindre.

Dans cette interview, vous découvrirez les choix de la métropole de Nice en matière de transports et de mobilité durable (infrastructure et de priorités pour l’agglomération).

Pour commencer pourriez-vous vous présenter ?

Bonjour Philippe Pradal, je suis maire délégué de Nice et président délégué de la métropole de Nice-Côte-d’Azur en charge des finances, des ressources humaines, de la mobilité et de la gestion du patrimoine communal. Par ailleurs, je suis président de la Régie Ligne d’Azur, qui gère le transport public sur le territoire de la métropole.

Et je suis député des Alpes-Maritimes depuis une semaine.

Nice a des ambitions importantes en matière de mobilité durable et de décarbonation des transports.  Mais quels sont les principaux axes en termes de mobilité durable de votre politique ? 

Avant tout sur la métropole Nice Côte d’Azur, on essaie de faire en sorte que le choix du mode de mobilité pour un administré ne soit pas un choix contraint. C’est-à-dire que l’on veut qu’il y ait pour tout le monde le plus d’options ouvertes possible en termes de mobilité. Nous sommes tous alternativement piétons, cyclistes, covoitureurs, usagers des transports en commun et parfois malheureusement auto-solistes. Bien entendu, nous souhaitons que parmi les solutions de mobilité proposées des solutions plus respectueuses de l’environnement soient apportées à chacun.


C’est pourquoi, nous avons notamment mis en place un service de vélos partagés : Vélo bleu. Et nous continuons à enrichir cette offre : nous avons ajouté 2 nouveaux types de véhicules avec des tricycles et des vélos électriques – pour en accroître l’accessibilité. La Métropole porte un ambitieux plan vélo Métropolitain 2021 – 2026 doté d’une enveloppe de 20 millions d’euros. L’objectif est de créer 160 kilomètres d’aménagements supplémentaires sur notre territoire et d’atteindre 10% de part modale vélo. Il y a également un service de scooters électriques en libre-service qui vient compléter l’offre de mobilité.


Et puis après, il y a le grand sujet des transports en commun. L’idée est de maintenir le caractère actif du réseau avec les 3 composantes qui permettent de le rendre attractif et qui sont : la fréquence, la fiabilité et l’attractivité financière. La fréquence tout d’abord pour que les gens n’aient pas d’appréhension à utiliser les transports en commun sur les tranches horaires où ils en ont besoin.


La fiabilité ensuite, où la sécurité joue un rôle majeur. C’est dans cette optique que nous avons mis en place des équipes régulières qui patrouillent et qui sont chargées de la sécurité des transports. Au-delà de ça, nous avons également installé un réseau de caméras reliées en temps réel à un centre de supervision urbain et à la police municipale.


Enfin concernant l’attractivité financière, il est très important pour nous que le tarif ne devienne pas un frein qui dissuade les gens d’utiliser le réseau de transports en commun. Nous avons une tarification considérée comme favorable et qui n’a pas évolué à la hausse malgré la livraison de 2 lignes de tramway supplémentaires et de l’extension du réseau de bus.


Pour terminer depuis maintenant 4 ans, nous n’achetons plus de véhicules diesel et nous avons l’objectif en 2025 d’avoir une mobilité totalement verte. A ce jour, 25% du réseau de bus répond aux exigences de la loi LTE qui prévoit pour 2025 le remplacement systématique par un véhicule vert.


D’ici au 31 décembre 2022, 50% du parc de bus répondra à cette exigence. Sur la totalité du réseau, ce sont près de 75% des voyages qui seront zéro émission.

Avec la topologie de votre territoire qui est à la fois côtier et montagneux, nous avons cru comprendre que vous vouliez développer un téléphérique urbain, est-ce que vous pourriez nous en dire plus ?  

Le téléphérique urbain viendrait en complément de l’extension de la ligne 2 de tramway. C’est un téléphérique de franchissement qui vise en fait à passer au-dessus du fleuve qui traverse la métropole permettant ainsi de relier les quartiers Ouest de la ville de Nice avec la zone autour de la préfecture (commune de Saint-Laurent-Du-Var).

Ce dernier permettra notamment de capter un flux de véhicules qui a tendance à se fixer sur une voirie qu’il est difficile d’améliorer : il permettra ainsi de limiter les embouteillages sur la zone côtière de Saint-Laurent. Avant de se lancer dans le projet, nous avons examiné différentes possibilités comme la création d’une passerelle ou la création d’un pont mais tout cela aurait demandé des travaux considérables de la chaussée et un impact environnemental du projet plus important.

La principale inquiétude de nombreux citoyens concernant le projet est le vent et l’impact météorologique. C’est pourquoi la résistance des cabines a été particulièrement étudiée techniquement pour s’assurer de la fiabilité du dispositif. De plus, un projet similaire a déjà été mené à Brest et fonctionne parfaitement alors même que la ville n’est pas réputée pour être moins venteuse que Nice. Et puis nous avons la chance d’avoir des stations de sports d’hiver sur le territoire de la métropole Nice Côte d’Azur donc on a un certain savoir-faire de ce genre de choses en interne.

Un sujet très lié au contexte inflationniste actuel, nous avons vu que vous avez mis en place un chèque mobilité, est-ce que vous pourriez nous en dire plus ? 

Comme je le disais en introduction, nous ne voulons pas opposer les modes de transport, mais plutôt les rendre complémentaires. Il y a des gens qui ont besoin d’utiliser leur voiture pour se déplacer. Alors effectivement nous avons eu ce soutien financier mobilité qui a été mis en place antérieurement à la crise en Ukraine puisqu’il remonte au mouvement des gilets jaunes. Ce dispositif complétait une autre
aide à l’acquisition de véhicules électriques et de vélos. La principale condition d’accès à ce chèque mobilité était l’absence de proximité du réseau de transport en commun.


Le covoiturage fait bien entendu partie des modes de transport qui peuvent être utilisés dans le cadre de ce chèque. Même si, il faut l’avouer, nous avons encore des progrès à faire en la matière et je pense vraiment que c’est un mode de transport d’avenir. J’ai la conviction que le covoiturage est une vraie solution de mobilité qui peut être respectueuse de l’environnement et venir donner de très bonnes habitudes de déplacement. Et puis je pense que ça peut contribuer à créer du lien social dans une société où le transport en commun est en train de devenir un des rares endroits où toutes les couches de la population se croisent.


Pour ce qui est du covoiturage dans la région, nous n’avons pour le moment pas encore trouvé le modèle d’organisation qui fonctionnera. Et cela est lié à mon sens aux mêmes mécanismes décrits précédemment (régularité, fiabilité, sûreté et économies) qui ne sont pas encore totalement prouvés.

Pensez-vous qu’il existe d’autres leviers pour renforcer la mobilité durable sur votre territoire ? 

Alors oui, on pourrait parler du TAD. Aujourd’hui, Il y a toute la zone intermédiaire où on transporte plus souvent des banquettes vides que des personnes. Alors que, vous vous en doutez en tant que président de régie, je préfère mettre les moyens quand ils sont nécessaires dans le cadre d’un TAD plutôt que faire tourner à vide des lignes de bus. On le comprend facilement, lorsque j’ai 2 personnes qui attendent un transport public, il vaut mieux que j’envoie un véhicule individuel – voire un taxi – qui me coûtera moins cher, plutôt qu’un minibus.


Mais là aussi, il y a une barrière psychologique : celle de la sécurité – que l’on retrouve également dans le covoiturage. La première fois que je monte dans la voiture de quelqu’un que je ne connais pas, il faut que l’opérateur soit capable de créer de la confiance avec les utilisateurs en garantissant leur sécurité. Et je pense qu’il est également important de sanctionner en cas de manquement.

Très intéressant, est-ce que vous pourriez maintenant nous parler un peu plus de vos objectifs 2025 ?

Je suis aujourd’hui toujours aussi convaincu sur le sujet de l’hydrogène mais je reste prudent car je pense qu’il reste quand même beaucoup à faire pour le rendre techniquement et financièrement efficace. La question de la production d’un hydrogène vert est centrale. Et pour cela il faut aussi être en mesure de produire en quantité les véhicules et les électrolyseurs dans un contexte de pénuries de matériaux et de composants. Nous sommes très attentifs aux contraintes et à ce que nous disent les industriels sur ce sujet. Il y a également la question du rétrofit qui mérite qu’on s’y intéresse pour ne pas produire encore et encore mais utiliser et prolonger la vie de l’existant avec des motorisations décarbonées.


Donc je crois qu’il y a un sujet global de choix stratégiques à explorer et il ne faudrait pas que la crise née de la guerre en Ukraine notamment, conduise à oublier l’objectif que nous nous sommes donné de la neutralité carbone à horizon 2025.


Mais la décarbonation peut aussi venir du bas. Par exemple, si demain on arrive à travailler avec les taxis à la décarbonation de leur flotte, ou si l’on discute de sobriété avec nos citoyens, on arrivera à faire un grand pas en avant. Je suis un fervent défenseur de la marche, ce qui peut sembler assez paradoxal pour un président d’un réseau de transport! Je recommande à nos usagers de monter un arrêt plus loin et
de descendre un arrêt plus tôt. Déjà parce que c’est bon pour leur santé et il a été prouvé que la sécrétion des hormones due à l’activité physique fait baisser l’agressivité. Je pense que la personne qui sort de chez elle pour monter directement dans le bus sera probablement moins aimable avec le conducteur que celle qui a marché 500 m pour se rendre à un arrêt.


Une des décisions les plus importantes qui a été prise pour valoriser la marche a été de transformer la couverture de la promenade du Paillon en un immense jardin. Des gens qui prenaient autrefois le bus pour faire l’équivalent de 2 ou 3 stations le font aujourd’hui à pied parce qu’ils le font dans un jardin.


D’ailleurs je tiens à préciser que je suis un apôtre forcené de la non-gratuité des transports en commun parce que le principal effet de la gratuité est de dissuader la marche à pied dans un effet de concurrence. On s’est rendu compte que les principaux usagers qui bénéficiaient des transports gratuits étaient des gens qui marchaient auparavant.

interview réalisée le 23/06/22

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