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L’avenir de la mobilité urbaine par Sylvain Grisot, fondateur de Dixit

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L’avenir de la mobilité urbaine par Sylvain Grisot, fondateur de Dixit

sylvain grisotNous avons rencontré Sylvain Grisot, consultant et fondateur de Dixit, une agence de projets engagée qui entend transformer la ville existante pour réinventer l’espace urbain. Il nous parle ici de sa vision de l’avenir de la mobilité urbaine, ses perspectives sur le covoiturage et sur Karos en particulier et enfin de ses initiatives pour anticiper la ville de demain.

Karos : Dans votre article, vous prédisez la fin de la voiture particulière telle que nous la connaissons aujourd’hui. Ce mouvement est-il inéluctable ? Si oui, pourquoi ?

Sylvain Grisot : Je ne pense pas que la voiture individuelle va cesser rapidement d’encombrer nos trottoirs, cependant le rapport à la voiture évolue très rapidement. Il y a avant tout un nouveau rapport à la propriété, sans doute lié à un effet de génération : la voiture n’est plus considérée comme un bien de prestige, un élément de confort ou un investissement, mais comme une dépense nette, une contrainte imposée par des besoins de mobilité. C’est l’émergence récente de vraies alternatives à la propriété individuelle qui va provoquer un basculement rapide, avec dans un premier temps l’abandon par les ménages de la seconde voiture.

Le développement du transport collectif, la mise en avant du vélo et les politiques contraignantes n’ont finalement eu que peu d’impact sur l’usage de la voiture individuelle. Mais aujourd’hui les solutions de covoiturage, de carsharing, les services de transport à la demande ou le vélo à assistance électrique deviennent des alternatives crédibles à la voiture individuelle pour une partie importante des besoins récurrents de mobilité. Le changement est en marche, en marche rapide.

C’est un enjeu essentiel pour le devenir de nos espaces urbains. Aujourd’hui la ville est pensée pour la voiture, mais pas tant pour une voiture qui roule (en général avec une seule personne), que pour une voiture qui est en stationnement 95% du temps, et qui encombre nos rues, nos jardins ou nos sous-sols. Si on extrapole rapidement, aujourd’hui 1 milliard de mètres carrés urbanisés sont dédiés uniquement au stationnement en France, effarant. Une voiture partagée d’une façon ou d’une autre, c’est une voiture qui roule plus, avec plus de passagers, et autant de surface libérée. De belles opportunités d’ailleurs que ces espaces urbains libérés pour les nouveaux usages qui pourront s’y développer, si on les pense dès à présent.

Il faut sortir de l’opposition rigide: transport collectif + modes doux contre voiture sale, pour repenser la complémentarité des modes de déplacements en y réintégrant une voiture propre et partagée. Le scandale Volkswagen va nous aider à accélérer la transition vers des voitures propres.

Karos : Comment le covoiturage peut tirer son épingle du jeu face à l’évolution de la perception de la voiture (partage de voitures, nouveaux services…) ? Quels sont les blocages qui pourraient empêcher de considérer la voiture comme objet de partage ou de service ? Comment les surmonter ?

Sylvain Grisot : Le covoiturage garde encore l’image d’une pratique soit liée à la contrainte économique (et donc abandonnée par ceux qui peuvent se permettre de s’en passer), soit à une forme de militantisme. C’est pourtant un outil de transition efficace, en attendant l’émergence de services de transports à la demande économiques et environnementalement pertinents, basés sur des flottes de véhicules autonomes. Une transition qui prendra du temps, mais moins qu’on ne le croit.

Partager sa voiture, ou la voiture de quelqu’un d’autre, c’est finalement s’inscrire pleinement dans l’air du temps en tirant un trait sur la voiture-espace de vie privé (voire extension de soi…), et la prendre pour ce qu’elle est concrètement : un outil de mobilité particulièrement inefficace quand on est seul dedans. Les esprits y sont prêts, reste à faciliter la bascule et rendre la pratique quotidienne.

La dernière flambée du pétrole a provoqué une prise de conscience du coût de la mobilité individuelle, et a provoqué le fleurissement d’espaces de covoiturages plus ou moins organisés au bord des échangeurs. C’est un premier pas mais on ne va pas attendre patiemment que le prix du baril reparte à la hausse pour amorcer une transition réelle vers de nouveaux usages de la voiture individuelle.

Il faut désormais banaliser la pratique du covoiturage, en la rendant fluide au quotidien. Passer finalement d’un mode de consommation collaboratif alternatif à un service de mobilité comme un autre, en synergie avec les autres.

Karos : Le concept de Karos est-il, selon vous, en adéquation avec l’évolution des comportements ? (utilisation d’algorithmes d’intelligence artificielle pour trouver les opportunités de covoiturage au sein de la communauté)

Sylvain Grisot : Ce que je retiens de ce service ce n’est pas tant la technologie mise en œuvre (qui ne regarde finalement pas l’utilisateur) qu’une forme d’inversion de l’initiative de covoiturage. Ce n’est plus moi qui prends l’initiative en mobilisant mon réseau proche ou des services d’intermédiation, mais mon téléphone qui m’informe tout à coup que ce trajet domicile-travail que je fais tous les matins tout seul dans mon vieux monospace diesel, pourrait se partager simplement, à des coûts bien inférieurs. On est finalement plus sur un service de mobilité (auquel pourrait s’agréger très logiquement des interfaces avec les transports en commun) que sur un outil de rencontre, ce qui correspond sans doute à une réelle demande. Quand la technique se rend discrète elle peut amener une réelle plus-value, et générer de nouveaux comportements. N’attendons pas qu’ils changent, créons le changement.

Karos : Comment Dixit prend part au débat actuel sur la mobilité urbaine ?

Sylvain Grisot : Dixit est une agence de projet qui concentre son action sur la transformation de la ville existante. Repenser l’existant c’est accompagner un changement d’usage, mais aussi se projeter dans l’avenir. Au-delà de nos missions d’accompagnement des acteurs de la ville dans ces projets, nous menons un travail de prospective qui nourrit nos démarches, centré sur les questions d’usages et la nécessité de penser aujourd’hui une ville capable d’évoluer demain. Si nous prenons part à un débat sur la mobilité, c’est pour le décloisonner et montrer qu’il interroge beaucoup plus globalement notre vision de la ville et de ses usages.

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