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Reliefs et Mobilités sont-ils vraiment antinomiques ? – Interview Sylvain Laval

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Reliefs et Mobilités sont-ils vraiment antinomiques ? – Interview Sylvain Laval

Sylvain Laval © Compra

Monsieur Sylvain Laval, Vice-président en charge, des espaces publiques et des mobilités dans l’agglomération de Grenoble, nous a fait le plaisir de parler avec nous des problématiques actuelles de mobilité au sein d’un territoire situé au cœur des Alpes Françaises.

A cours de l’interview, vous découvrirez comment la métropole de Grenoble s’engage pour proposer à tous ses habitants des services de qualités qui s’adaptent à toutes les situations dans leur variété mais également les freins qui ralentissent malheureusement encore la mise en place d’une politique de mobilité durable.

Bonjour Monsieur Laval, pourriez-vous vous présenter ? 

Je suis Sylvain Laval, je suis maire de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux. Je suis vice-président de la métropole de Grenoble en charge des espaces publics, de la voirie et des mobilités douces et je préside à ce titre le syndicat des mobilités de l’aire Grenobloise (SMMAG), qui exerce l’ensemble du champ de compétences de la mobilité sur le territoire.  

Grenoble a été primée et mise en avant pour ses actions en termes de mobilité durable. Pouvez-vous revenir sur les ambitions que porte le SMMAG et les moyens que vous mettez en œuvre pour développer la mobilité durable sur votre territoire?

Pour commencer, nous avons un premier horizon qui est fixé à 2030 selon la planification réglementaire de notre plan de déplacement urbain local. Et quand on le met en perspective des nouveaux enjeux législatifs, réglementaires, on se rend compte qu’il y aura besoin, dans un 2nd temps, d’avoir un objectif et une planification à 2050. 

En matière de mobilité, nous avons une palette d’outils de services à disposition et il faut jouer sur l’ensemble des leviers pour pouvoir atteindre un maximum de gens et leur proposer des réponses appropriées

A Grenoble, nous sommes entourés de montagnes et de reliefs. Même si le territoire urbain est plat, nous avons des gens qui viennent de coteaux, de zones de montagne qui viennent accéder au centre urbain pour y travailler ou pour y vivre. Et vous ne pouvez pas leur donner la même réponse que quand vous êtes en hyper centre-ville, avec une desserte de réseau de transport en commun beaucoup plus dense. Pour faire cela, on joue sur tous les leviers de la mobilité qui doivent être les plus durables possible. Dans les zones périphériques, le covoiturage est un élément très important puisque ça nous permet de capter des gens absolument n’importe où, puisqu’il n’y a pas besoin d’infrastructures lourdes et parce que vous pouvez aller récupérer des gens dans des endroits extrêmement peu peuplés, sans avoir à faire des aménagements.

Le covoiturage est évidemment un outil extrêmement récent et tout l’enjeu c’est de lui donner de la visibilité pour le faire connaître et donner envie à l’usager de l’utiliser. Après, évidemment, il faut qu’on ait des tarifications qui soient adaptées à tout ça. Et c’est pour cela qu’il est important de soutenir ce dispositif avec une contribution financière.  

Ensuite, il y a la question du vélo qui est déterminante. Sur le fond, le vélo en zone urbaine reprend beaucoup de vertus et est donc très mis en avant par les décideurs publics. En revanche le vélo ne correspond pas à toutes les situations et il faut aussi le dire c’est un outil très intéressant pour aller capter des personnes dans les zones urbaines et aider à abandonner le véhicule individuel, mais qui nécessite néanmoins des infrastructures. On est parfois confronté à un manque d’espace pour pouvoir à la fois aménager l’ensemble des flux de déplacement, dont celui des vélos. Et évidemment, on ne peut pas aller partout à vélo parce que quand vous commencez à dépasser les 10 km, et bien ça arrête un certain nombre de personnes. Et quant à fortiori, vous montez dans des zones de coteaux, c’est plus compliqué.    

Après, il y a la question de la tarification de ces outils qui est aussi pour nous un élément essentiel de nos politiques de mobilité, particulièrement pour inciter aux mobilités durables. C’est pour cela que nous devons mettre en place un système qui soit simple et accessible pour l’usager en rassemblant l’ensemble des services de mobilité. Et c’est dans cette optique que nous avons développé un outil qui s’appelle le pass mobilité. Sur la question des tarifs, je suis un détracteur de la gratuité parce que je considère que tous ces services ont un coût, que la gratuité, ça n’existe pas et qu’au bout d’un moment, il faut bien que quelqu’un la paye et l’occurrence, sur ce sujet c’est la collectivité publique qui la payerait. Et cet argent ne pourrait plus être investi dans les services à développer ou l’entretien des réseaux existants. 

Grenoble est une des métropoles française qui a le plus expérimenté avec des nouveaux opérateurs, et des startups (vélo, covoiturage, trottinettes) ? Comment organiser la collaboration avec ces nouveaux types d’opérateurs?

Nous sommes une terre d’innovation technologique et donc nous sommes toujours intéressés à expérimenter ou à tester de nouveaux services en matière de mobilité.  L’intérêt que nous avons à travailler avec des structures comme les vôtres, c’est évidemment d’essayer des choses nouvelles pour voir si elles sont efficaces, si elles apportent une réponse à un besoin. Par ailleurs, on remarque que faire évoluer le service est beaucoup plus simples quand nous avons affaire à des structures du type des start-ups. Avec une capacité d’innovation qui est peut-être moins aisée lorsqu’on a affaire à des groupes plus importants, plus établis, avec un plus gros volume. Évidemment, ce sont des grosses machines avec des process bien rodés avec des habitudes et elles n’en changent pas facilement. L’avantage des structures comme les vôtres c’est d’avoir un dialogue de proximité, une réactivité qui est évidemment plus importante.  

Vous évoquiez des corridors de mobilité qui maillent votre territoire, pouvez-vous nous expliquer comment ils fonctionnent?

Comme nous l’avons évoqué, nous ne pouvons pas emmener des lignes de bus classiques partout sur les coteaux avec un niveau de fréquence équivalent au reste du territoire. Nous avons adapté l’outil avec des lignes qu’on appelle des lignes flexo. Ce sont des bus de toutes petites capacités, une vingtaine de places qui ont des horaires très adaptés, c’est à dire que y a en général un service ou 2 réguliers le matin, un ou 2 le soir qui se calent sur les horaires des écoles pour faire du ramassage scolaire, ce qui permet à n’importe quel autre usager de le prendre aussi s’il le souhaite. Ces lignes, évidemment, sont en correspondance avec le réseau classique et le reste de la journée elles ont un fonctionnement d’horaire sur demande, c’est-à -dire que s’il y a une réservation préalable 2h avant. Si personne ne réserve, le bus ne circule pas. C’est un outil qui peut permettre de répondre à des personnes un peu isolées ou des personnes sans voiture.  

Notre objectif aujourd’hui, c’est d’aller structurer et mieux mailler le réseau de covoiturage qui est certes un peu secondaire, mais qui reste essentiel. C’est un travail que nous allons conduire dans les dans les mois qui viennent puisque jusqu’à présent nous étions concentrés sur les grands axes structurants avec des lignes et maintenant, il nous faut aller plus finement. Une stratégie pourrait être de développer les moyens de rabattement sur les pôles au bas des coteaux, pour pouvoir mettre tout le monde sur le même axe. Mais il n’y a pas de solution miracle parce qu’on ne pourra pas aller chercher tout le monde devant sa porte dans des zones très éparses.  

Intéressant et comment s’articule la question de la mobilité par rapport aux entreprises au sein du Smag ? 

Nous avons monté il y a un certain nombre d’années un dispositif spécifique pour les entreprises, qu’on appelle M-pro. C’est un service au sein du Syndicat des mobilités qui est consacré uniquement à la relation aux entreprises et qui lui apporte à la fois diagnostics et conseils en matière d’offre mobilité pour ses salariés. Le but est d’aider à construire des plans de mobilité employeur pour adapter les tarifications en considérant chaque site dans sa spécificité afin de les aider avec l’ensemble de la palette de nos services de mobilité. Le gros avantage c’est que notre service ne fonctionne pas uniquement sur les grands pôles principaux d’emploi, mais il est aussi en capacité de répondre à une petite PME avec un diagnostic sur mesure.  

Quels sont les leviers aujourd’hui que vous comptez déployer pour développer la mobilité durable dans les zones périurbaines et rurales de la métropole ?

Si on reprend la question de la simplification de la tarification dans ces zones-là aujourd’hui, il y a des difficultés liées à la multiplicité de services anciens qui n’ont jamais été coordonnés parce qu’ils sont souvent à la frontière de plusieurs zones administratives. Vous avez des services qui ont été construits au fil du temps par le syndicat des Mobilités, mais vous avez aussi les départements, maintenant les régions qui ont des lignes de bus interurbaines avec des carrés express, des choses comme ça et tout se superpose et se percutent sans coordination préalable. Le problème c’est qu’on a des usagers qui vont se retrouver à devoir jongler entre plusieurs services, alors même que les horaires ne sont pas nécessairement coordonnés, et avec la nécessité de changer de tickets ce qui peut avoir un énorme impact économique. Pour régler cette situation problématique, Il y a un certain nombre d’étapes à franchir, mais en tout cas il faut engager ce travail qui me paraît absolument essentiel pour capter ces usagers qui ont besoin de simplicité, d’efficacité. 

Et puis le 2e levier, c’est une forme de mobilité durable plus lourde, c’est l’axe ferroviaire. Parce que quand vous habitez à 30 ou 40 km et que vous êtes sur une ligne de train RER, avec des départs tous les quarts d’heure en heure de pointe, là vous avez un système qui est terriblement efficace, qui va capter la majeure partie de ce flux périphérique. Donc c’est aussi un enjeu important et c’est dans ces territoires que nous développons massivement des pôles d’échanges multimodaux, c’est à dire que ce n’est pas uniquement un parking relais, mais nous sommes là autour de ces gares, ces futures gares des RER où nous développons l’ensemble d’un panel de services de mobilité avec un point relais covoiturage avec un service vélo à disposition, du stationnement sécurisé, parfois même des vélos en libre-service et évidemment du parking pour capter le rabattement lointain et de coteaux. Donc l’enjeu pour nous, dans les années à venir, c’est cette première couronne, 2e couronne de périphérie, qui doit capter toute notre attention et selon moi la plupart de nos investissements.  

 

Une manière de rendre attractives les mobilités durables, spécifiquement pour ces populations-là, c’est par exemple une tarification zonale plus abordable. Est-ce que vous pensez que c’est réalisable à votre échelle ?  

Oui, il faut faire sauter un certain nombre de zones et pour cela il faut qu’on se mettre d’accord avec la région, qui est aussi un opérateur de mobilité et qui est totalement indépendant, or on ne peut rien faire sans son accord et aujourd’hui nous n’avons pas, puisque la région a une stratégie globale à une plus grande échelle. Et donc il faut faire comprendre l’intérêt que nous avons à coopérer en local face à une grosse structure qui a évidemment une politique et une réglementation qui est équitable sur l’ensemble de son territoire. Donc c’est toute la difficulté que nous avons avec la complexité française, de la multiplication des instances et des échelons. Et malheureusement, sur ce sujet-là, les dernières lois de mobilité ne nous ont pas simplifié la tâche. Mais là, on est sur du législatif et plus sûr de l’action locale donc nous irons plaider auprès du gouvernement et du prochain Parlement sur ce sujet.  

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